La lutte contre le réchauffement climatique passe par une réduction rapide de nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour s'inscrire dans une démarche de développement durable, la comptabilité carbone doit désormais faire partie intégrante de la stratégie des entreprises. Les enjeux pour celles-ci sont multiples, à la fois réglementaires et économiques.
Qu'est-ce que la comptabilité carbone ?
La comptabilité carbone s’inscrit dans le contexte de la transition écologique, dans laquelle doivent s’engager les organisations et pour laquelle de plus en plus d’outils et de méthodes ont été développés depuis la COP 21 de 2015. Les objectifs de réduction des émissions de GES fixés par l’UE et la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) dessinée par la France impliquent pour chaque acteur de réaliser un bilan de son impact environnemental.
La comptabilité carbone englobe ainsi les différentes méthodes qui permettent de recenser et de quantifier les émissions de gaz à effet de serre générées par les activités de chaque entreprise ou organisation. Pour permettre une véritable comptabilisation, des comparaisons et un suivi précis des réductions d’émissions, tous les gaz à effet de serre générés par une activité sont convertis en équivalent CO2 (CO2eq ou eqCO2). Le terme de « comptabilité » renvoie à la similitude des démarches de bilan GES avec la comptabilité financière classique : le recensement et la quantification des émissions de GES s’intègrent à un système comptable et font l’objet d’une obligation ou d’une recommandation de reporting extra-financier, composante incontournable de toute démarche RSE.
Comptabilité carbone : comment ça marche ?
La comptabilité carbone est un processus essentiel permettant aux organisations de quantifier avec précision leur impact environnemental et leur empreinte carbone. Voici un aperçu des étapes clés de ce processus méthodique :
Définition du périmètre des émissions : La première étape consiste à identifier et à catégoriser les émissions selon les scopes 1,2,3 établis par le GHG Protocol.
Collecte des données : Il s'agit de rassembler des données exhaustives sur toutes les sources d'émissions pertinentes. Cela inclut les données opérationnelles internes et celles provenant des fournisseurs ou partenaires. La rigueur dans cette étape est cruciale pour assurer la précision et l'exhaustivité des informations recueillies.
Sélection des facteurs d'émission : Les facteurs d'émission sont des valeurs standardisées qui représentent les émissions moyennes de GES par unité d'activité ou unité financière. Ils sont obtenus auprès de sources reconnues telles que l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA), l'Agence internationale de l'énergie (AIE) ou l'Ademe (Base Empreinte).
Calcul des émissions : Avec les données collectées et les facteurs d'émission, les organisations calculent leurs émissions totales de GES pour chaque scope. Cette étape permet de quantifier précisément l'empreinte carbone de l'organisation.
Vérification et validation : Les résultats des calculs peuvent être soumis à des audits internes ou externes pour vérifier l'intégrité des méthodes de collecte et de calcul des données. Cette vérification assure l'exactitude et la fiabilité des résultats obtenus.
Rapport et communication : Les résultats doivent être communiqués aux parties prenantes, y compris les employés, les investisseurs, les régulateurs et le public. Cela démontre l'engagement de l'organisation envers la durabilité et la transparence. Une communication efficace peut également renforcer la crédibilité et la réputation de l'organisation.
En adoptant une approche systématique de la comptabilité carbone, les organisations peuvent non seulement mesurer avec précision leur empreinte carbone, mais aussi identifier les principales sources d'émissions, fixer des objectifs de réduction ambitieux et suivre leur progression au fil du temps.
Quels sont les différents standards en matière de comptabilité carbone ?
Les standards de comptabilité carbone offrent aux organisations des outils pour mesurer leurs émissions de gaz à effet de serre. Les principaux standards incluent le GHG Protocol, la méthode Bilan Carbone®, ainsi que les normes ISO 14064-1 et ISO 14069.
GHG Protocol
Le Greenhouse Gas (GHG) Protocol, également connu sous le nom de GHG Protocol, est l'une des normes de comptabilité carbone les plus largement adoptées. Développé par le World Resources Institute (WRI) et le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), ce protocole a été introduit en 2001. Il fournit un cadre complet pour le calcul et la déclaration des émissions de gaz à effet de serre. Il prend en compte les six gaz à effet de serre identifiés par le Protocole de Kyoto et offre des méthodologies alignées avec les recommandations du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC).
Le GHG Protocol catégorise les émissions en trois périmètres :
Scope 1 : Émissions directes provenant des sources détenues ou contrôlées par l'organisation (par exemple, la combustion de carburant, les véhicules de l'entreprise).
Scope 2 : Émissions indirectes provenant de l'électricité, de la chaleur ou de la vapeur achetées.
Scope 3 : Autres émissions indirectes provenant des activités de la chaîne de valeur de l'organisation (par exemple, les biens et services achetés, les voyages d'affaires, les déplacements des employés).
En plus de la quantification des émissions, le GHG Protocol fournit des orientations sur :
Le calcul des réductions d'émissions
La fixation de trajectoires de réduction des émissions basés sur la science
L'élaboration d'inventaires de gaz à effet de serre pour les organisations et les projets
Bilan Carbone®
La méthode Bilan Carbone® a été développée par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) en 2004. Elle est portée par l’Association Bilan Carbone (ABC) qui propose une méthode, des outils et une formation aux bonnes pratiques en matière de GES. La démarche de comptabilisation des GES selon la méthode Bilan Carbone® suit 5 étapes :
Définir les objectifs, identifier le pilote et les contributeurs
Définir le périmètre de l'étude et cartographier les flux
Collecter les données
Définir le plan d’action
Communiquer sur le bilan carbone
Normes ISO 14064-1 et ISO 14069
La série de normes ISO 14064 fournit un cadre pour que les organisations puissent quantifier et déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre. La norme ISO 14064-1 établit les principes et les exigences pour réaliser un inventaire complet des émissions couvrant toutes les sources et activités. En respectant cette norme, les organisations contribuent aux Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, notamment la promotion de l'industrialisation durable et la lutte contre le changement climatique.
Pour soutenir la mise en œuvre de l'ISO 14064-1, la norme ISO 14069 offre des conseils pratiques, des méthodologies et des exemples pour appliquer les principes de comptabilité carbone au sein des organisations. Ensemble, ces normes assurent la cohérence, la transparence et l'exactitude dans la déclaration des émissions d'une organisation en couvrant les sources pertinentes et en fournissant des directives de mise en œuvre.
Quelles sont les différentes méthodes de comptabilité carbone ?
Il existe plusieurs méthodes que les organisations peuvent utiliser pour mesurer et déclarer leurs émissions. Le choix de la méthode dépend de facteurs tels que la disponibilité des données, le niveau de précision requis et les besoins spécifiques de l'organisation.
La comptabilité carbone utilise généralement deux approches principales pour estimer les émissions : l'approche physique et l'approche monétaire.
Approche physique
L'approche physique est une méthode précise et exhaustive visant à quantifier les émissions directes et indirectes sur l'ensemble de la chaîne de valeur d'une organisation. Elle se distingue par sa prise en compte détaillée des activités spécifiques et des flux physiques de matériaux et d'énergie. Cette méthodologie repose sur la collecte minutieuse de données concernant les quantités physiques, telles que les litres de carburant consommés ou les kilogrammes de matériaux utilisés.
L'approche physique offre une précision élevée et une identification détaillée des sources d'émissions, mais elle nécessite une collecte de données importante et des ressources conséquentes pour sa mise en œuvre.
Approche monétaire
Cette approche consiste à estimer les émissions en multipliant la valeur financière des biens ou services achetés par les facteurs d'émission correspondants (par exemple, kg CO2e par €). Elle offre un moyen simple et rapide de calculer les émissions, car elle utilise des données financières facilement accessibles. Cependant, l'approche monétaire repose sur des moyennes industrielles et peut ne pas saisir les spécificités des activités d'une organisation, ce qui peut conduire à des résultats moins précis.
Approche hybride
Cette approche combine des éléments de l'approche physique et de l'approche monétaire. Elle exploite des données d'activité détaillées lorsque disponibles et comble les lacunes avec des estimations basées sur les dépenses. L'approche hybride vise à trouver un équilibre entre précision et praticité, en utilisant les avantages des deux méthodologies. Elle est souvent recommandée par les normes de comptabilité carbone telles que le GHG protocol.
Pourquoi la comptabilité carbone est-elle importante pour les entreprises ?
Au-delà d'une simple mesure des émissions de gaz à effet de serre, la comptabilité carbone offre de nombreux avantages stratégiques en permettant :
De fixer des objectifs de réduction : Établir des objectifs structurés pour réduire les émissions de GES, en garantissant que les activités de l'entreprise sont viables dans un monde à faible émission de carbone et en s'alignant sur l'objectif de limiter le réchauffement climatique sous les 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.
De se conformer aux réglementations et d'anticiper les nouvelles lois : En France, plusieurs mesures ont été prises en matière de régulation climatique, telles que la loi Grenelle II, qui rend la comptabilité carbone obligatoire pour certaines grandes entreprises. De plus, le Pacte vert pour l'Europe (Green Deal) vise à rendre l'Europe neutre en carbone d'ici 2050 et introduit des exigences plus strictes en matière de déclaration des émissions.
D'améliorer l'image de marque de l'entreprise : La comptabilité carbone joue un rôle crucial dans l'amélioration de l'image de marque d'une entreprise. En adoptant des pratiques transparentes de reporting RSE, et en fixant des objectifs concrets de réduction des émissions, les entreprises démontrent leur engagement envers la durabilité. Plus qu'un simple exercice de chiffres, c'est un outil important de communication et de positionnement stratégique, illustrant concrètement la responsabilité environnementale de l'entreprise.
D'obtenir des certifications et labels environnementaux : Mesurer ses émissions est souvent indispensable pour obtenir un labels ou certifications ESG répondant aux attentes des différentes parties prenantes. Prendre en compte les émissions indirectes générées en amont de la chaîne de valeur implique des exigences accrues pour les entreprises concernant les engagements de leurs fournisseurs.
Comptabilité carbone : et après ?
La comptabilité carbone n’est qu’une étape dans la lutte contre le dérèglement climatique. Les résultats des calculs d’émissions de GES doivent servir de base à un plan d’actions visant à les réduire. Des mesures concrètes doivent être ainsi envisagées, et mises en place pour atteindre des objectifs à court et à long terme. Le bilan carbone va permettre d’identifier les principaux postes d’émissions de l’entreprise, et donc de définir des priorités d’actions. Pour que les objectifs et actions de l’entreprise soit cohérents et conformes à la stratégie bas-carbone de la France et aux recommandations du GIEC, il faut prévoir un suivi régulier des émissions, ainsi que des étapes intermédiaires par rapport aux objectifs les plus ambitieux. Les méthodes et standards proposés aux entreprises pour la comptabilité carbone leur permettent de mettre en place des plans d’actions cohérents avec les connaissances scientifiques sur le sujet et avec les objectifs communs de réduction des GES.
La réglementation ne cesse de se renforcer, étendant l’obligation de bilan carbone et de reporting à de plus en plus d’organisations, avec des exigences croissantes sur les périmètres de calcul. Aujourd’hui, pour exister dans le monde bas-carbone qui se profile, toutes les entreprises sont ainsi concernées par la comptabilité carbone.
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