La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) viendra remplacer en 2024 la NFRD (Non financial Reporting Directive), entraînant plusieurs changements pour les entreprises soumises à l’obligation de reporting extra-financier : un champ d’application plus large, un contenu de reporting plus riche, une analyse des impacts plus détaillée et une vérification des données plus rigoureuse.
Avec la directive CSRD émergent des normes standardisées, qui permettent de soumettre les entreprises européennes à des critères de reporting précis et harmonisés : les ESRS.
Que sont les ESRS (European Sustainability Reporting Standards) ?
Les ESRS sont les nouvelles normes de reporting extra-financier établies par l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) dans le cadre de la mise en place de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). Nommé pour cette mission, l’EFRAG a travaillé en étroite collaboration avec la Commission européenne afin de développer des critères de reporting ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) harmonisés pour tous les pays de l’Union Européenne.
Le projet de normes ESRS a été rendu par l’EFRAG à l’automne 2022. La Commission européenne a travaillé sur cette proposition jusqu’en juin 2023, pour aboutir à l’adoption des normes ESRS fin juillet 2023.
La CSRD est prévue pour entrer en vigueur progressivement entre 2024 et 2029, selon le type d’entreprise. L’obligation de reporting ne concernera donc dans un premier temps, pour les plus petites entreprises concernées, qu’une partie des normes ESRS.
Quelles entreprises sont concernées par les ESRS ?
Les ESRS concernent toutes les entreprises qui rentrent dans le champ d’application de la directive CSRD, soit plus de 50 000 entreprises (contre environ 11 000 pour la NFRD). Les entreprises qui sont concernées :
Les grandes entreprises dépassant au moins 2 des critères suivants : plus de 250 employés, 50 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 25 millions d’euros de bilan
Les PME cotées dépassant au moins 2 des critères suivants : plus de 10 employés, 900 000 euros de chiffre d’affaires, 450 000 euros de bilan.
Les entreprises non-européennes qui interviennent au sein de l’UE et dont le chiffre d’affaires réalisé en Europe est supérieur à 150 M d’euros Les ESRS seront, dans un premier temps, allégées pour les entreprises de moins de 750 salariés.
Un calendrier d'entrée en application de la CSRD définit 4 dates en fonction des critères présentés ci-dessus.
Zoom sur les 12 normes ESRS
Les normes ESRS, au nombre de 12, se basent sur les trois piliers de la RSE (responsabilité sociale et environnementale), c’est-à-dire sur les critères ESG : l’impact environnemental, l’impact social et les pratiques de gouvernance. Les ESRS se divisent en deux normes transversales (ESRS 1+2) et dix normes thématiques (E1 à E5, S1 à S4 et G1).
Dans leur démarche de reporting, les entreprises soumises à la CSRD seront amenées à communiquer des informations d’ordre général, des données en lien avec le volet environnemental, des informations liées au volet social, et enfin des informations de gouvernance.
Seule la divulgation des données ESG du volet général est obligatoire pour les entreprises. Pour les autres critères, les thématiques devant être prises en compte et publiées sont déterminées grâce à l’analyse de la double matérialité (matérialité financière et matérialité d’impact), concept central de la CSRD.
Informations générales
Les critères généraux regroupent les ESRS 1 et 2. Ils visent à fournir une vue globale des performances de l’entreprise en matière de durabilité. Un rapport annuel est attendu, qui précise la stratégie de l’entreprise et ses objectifs pour améliorer ses performances ESG.
Informations environnementales
Le volet environnemental regroupe les ESRS E1, E2, E3, E4 et E5, autour du changement climatique, de la pollution, des ressources marines et en eau, de la biodiversité et des écosystèmes, de l’utilisation des ressources dans la perspective d’une l’économie circulaire. Dans cette partie, l’entreprise doit publier notamment ses émissions de GES et les actions mises en place pour les réduire, ou encore ses pratiques visant à réduire les risques de pollution.
Informations sociales
Le volet social comprend les ESRS S1, S2, S3, S4 dédiées à la main d’œuvre, aux employés de la chaine de valeur, aux communautés touchées par les activités, aux consommateurs et à l’utilisation des produits ou services. Ces critères intègrent différentes problématiques liées à l’inclusion, à la sécurité et à la santé, aux pratiques de travail équitables. Le reporting concerne principalement les données RH de l’entreprise.
Informations de gouvernance
Le volet gouvernance comprend un seul critère ESRS (G1), celui de la conduite commerciale. Les données concernent la transparence et les systèmes de contrôle mis en place en interne pour assurer des pratiques intègres.
Comment réaliser une analyse de double matérialité dans le cadre des ESRS ?
La première étape consiste à dresser la liste complète des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance pertinents pour l'entreprise. Cela peut se faire en analysant les normes du secteur, les réglementations en vigueur, les risques connus, etc. Il est conseillé d'impliquer les différentes parties prenantes (employés, clients, fournisseurs, ONG, etc.), cela permet d'anticiper les éventuelles controverses et d'identifier les risques et opportunités.
Pour chaque enjeu identifié, deux aspects sont à évaluer selon la méthodologie EFRAG :
Matérialité d'impact (inside-out) : elle évalue les impacts positifs et négatifs réels et potentiels des activités de l'entreprise sur l'environnement, la société et l'économie
Matérialité financière (outside-in) : elle examine comment les enjeux de durabilité (environnementaux, sociaux, de gouvernance) impactent les performances financières et la création de valeur de l'entreprise
Cette double évaluation permet de déterminer les enjeux "doublement matériels".
Les enjeux jugés doublement matériels doivent être inclus dans le reporting ESRS et doit être présentée sous forme de matrice de double matérialité.
L'analyse de la double matérialité déterminera les ESRS sur lesquelles l'entreprise devra publier de l'information.
Pour plus d'information sur l'analyse de double matérialité, consultez notre article :
Comment se préparer aux normes ESRS ?
La mise en place des ESRS, bien que progressive, constitue pour les entreprises européennes l’entrée dans une nouvelle ère de reporting ESG. Il est donc important de s’y préparer, en se familiarisant avec les standards et avec la manière dont ils sont structurés : un bloc transversal obligatoire, et trois blocs portant sur les volets ESG qui forment les trois piliers de la RSE.
Les normes transversales, ou informations générales (ESRS 1 et 2), fournissent le cadre et la structure du rapport final. Ce volet généraliste sert de base de référence pour des pratiques de reporting adaptées et systématiques, qui fourniront des informations pertinentes sur la manière dont les entreprises identifient les risques, les impacts et les opportunités dans le cadre de son analyse de double matérialité.
Il est essentiel d’impliquer tous les acteurs de l’entreprise dans cette démarche de reporting, et non une équipe seule dédiée à la durabilité. Le processus de collecte des données sera optimisé si chaque service le comprend et y participe.
Pour pouvoir effectuer le reporting de l’année 2024, l’identification et la collecte des données devra commencer dès le début de l’exercice. C’est donc dès aujourd’hui qu’il faut décider des données qui seront publiées et de la manière dont elles seront collectées en amont. La réalisation d’un bilan carbone et d’une analyse de double matérialité permettra d’anticiper au mieux le reporting.
Conclusion
Les entreprises européennes font face à un défi majeur avec la mise en conformité aux nouvelles normes de reporting de durabilité ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces normes impliquent un reporting extra-financier complexe et détaillé, pouvant comprendre jusqu'à plus de 82 exigences de publication et plus de 1 000 données à structurer en 4 volets maximum. Dans ce contexte, l’anticipation est essentielle : elle est justement permise par l’instauration d’un calendrier progressif de mise en application de la directive CSRD, qui offre plus de temps et de flexibilité aux entreprises, tout particulièrement à celles qui n’étaient jusqu’alors pas concernées par l’obligation de reporting prévu par la NFRD.
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